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title: "Le renoncement comme un terreau"
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date: 2019-09-30T06:37:33+02:00
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draft: false
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categories: ["explorations"]
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tags: ["climat", "renoncement", "reconstruire", "esthétique"]
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slug: le-renoncement-comme-un-terreau
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Depuis cinquante, quarante, trente, vingt, dix ans, nous n'avons en aucun cas
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progressé, avancé, initié un quelconque geste dans la bonne direction, nous
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avons simplement poussé plus loin le bouchon, collé la jauge au sommet de la
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graduation, dans le rouge, dans le rouge, le sourire aux lèvres, satisfaits de
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ne l'être jamais, alors que depuis au moins un siècle, nous savons, la physique
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est solide. Peut-être est-ce normal, la révolution copernicienne à faire est
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plus existentiellement affreuse que le décentrement de la Terre, le
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décentrement du système solaire, de la galaxie, de l'animal humain passé de
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créature de dieu à simple membre de la famille des primates, les *grands*
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singes, quelle consolation. Jusqu'à la conscience qui a dû laisser sa place
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à la bestiole qui nous échappe, nous échappera toujours.
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Voilà qu'il était pénible de quitter notre place privilégiée au sein d'un
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Univers rassurant, à notre mesure, et de se retrouver pas si différents qu'une
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colonie de bactéries sur un grain de poussière, là par hasard, là de manière
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temporaire, voué à la destruction, dans n'importe quel coin d'un univers
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démesuré, inconcevable, inhospitalier, et semble-t-il mortel. Mais,
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au moins, nous pouvions nous gaver, construire des digues contre l'angoisse,
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proliférer comme une maladie et dresser des systèmes hyper-industrialisés
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devant la face hideuse de la finitude.
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En vain, bien sûr, mais à condition de n'être pas trop regardant, de supporter
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le mal du siècle, à chacun le sien, on pouvait encore faire semblant de croire
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à l'illusion. Et désormais, cette « fête » est terminée, l'avenir sera pire.
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Les rêves de notre inconscient collectif, les rêves hérités de génération en
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génération étaient mortifères, ils sont morts. Ils ne sont pas les seuls,
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bien sûr. Mon ami est mort, mes amis sont morts, mes grands-pères, mes
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grand-mères, mes oncles, et tant d'autres, sont morts. C'est la vie, mais il
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y a autre chose aussi qui est mort, et nous ne faisons que commencer à le
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comprendre, à le découvrir, il faudra en faire le deuil. Un peu comme si toutes
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le voies, toutes les issues de secours étaient condamnées, l'appel de Mars en
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est le meilleur signe, la folie désespérée du toxicomane qui ne peut se
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résoudre à accepter, à abandonner, à renoncer, à laisser tomber. Et faire face
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au manque.
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Le manque.
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Le manque, duquel tout peut naître. Peut-être pas tout, justement, mais qui est
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source de possibles. Alors que le refus de ce manque, la rage de vouloir le
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combler coûte que coûte ne peut mener qu'à l'épuisement. Et c'est bien ce
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manque, l'abandon qui rend possible son acceptation, le renoncement aux
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illusions qui nous occupent l'esprit, qu'il s'agit d'écrire, de dessiner, de
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chanter, de peindre, de rêver, de rendre désirable. De reconnaître dans les
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petits gestes quotidiens que l'on peut observer ici ou là, à côté de soi.
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