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title: "Anti-anti-douleur"
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date: 2019-10-24T16:49:30+02:00
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publishdate: 2019-10-25
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draft: false
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categories: ["traces"]
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tags: ["douleur", "deuil", "épaisseur", "présence"]
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slug: anti-anti-douleur
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Les pieds déroulent le récit en épines de mélèzes, géants séculaires qui te
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serrent la gorge et saluent dans le feu l'été incinéré au pied de l'automne,
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s'apprêtent à migrer, plus haut, ailleurs, ou nulle part, quand on dit que tout
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change, c'est aussi que tout fini, c'est aussi que tout change, ça commence
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aussi, parfois, tant que ça dure, mais c'en est fini, c'est ainsi. Et qu'est-ce
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que la vie, celle qui reste, abandonnée, si ce n'est la rébellion, un point
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levé à la surface de l'océan tumultueux, derrière le mur, barbelés et circuits
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imprimés, qu'est-ce que la vie si ce n'est d'être submergé par le quotidien pour
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lequel il n'existe pas d'insulte à la hauteur de l'arrache-cœur et cette
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planète qui ressemble chaque jour de plus en plus à une terre lointaine, d'un
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autre système solaire, à l'autre bout de la galaxie, elle-même perdue dans un
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tout qui n'est rien tellement il est inconcevable, hein ?
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Pourtant, tout va bien. Oui, ici, tout va bien, on ne peut pas se plaindre, on
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se plaint que tout aille si bien, on sait que ça ne va pas durer éternellement,
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et ce n'est pas même le souci. On se sent un peu coupable d'ailleurs, parce que
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si ça va si bien ici, c'est parce que ça va si mal ailleurs. Et ce n'est pas
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même le souci. Le souci, c'est que les constructions abstraites, virtuelles et
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psychiques ne cessent de s'écrouler et qu'il est nécessaire de sans cesse les
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construire à nouveau, mais il faut les réinveter à chaque fois, sur la base des
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essais et des erreurs, pas d'essais sans erreurs, console-toi et enroule-toi
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dans leurs souvenirs comme dans une vieille couverture de feutre, c'est ce
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qu'on appelle l'expérience. \
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Pourtant, tout va bien. Non ?
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Sauf que j'ai mal et refuser cette douleur n'aide pas, bien au contraire. Il va
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falloir vivre dans l'inconfort, le temps des renaissances et des victoires est
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terminé, non pas que tout plaisir ne soit plus possible, mais un autre seuil se
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présente et ce n'est déjà plus tout à fait vers un monde plus vaste. Voici venu
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le temps et l'espace de la limite, du choix, du repli. Et avant d'y creuser une
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philosophie qui sache affronter la bourrasque, debout et nu, j'ai encore besoin
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d'explorer la courbure de l'espace-temps déformé par le deuil.
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