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Zoonose et masques 2020-08-31T21:03:44+02:00 true
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Voici un nouvel extrait du Manifeste pour les grands singes et la nature, nouvel, parce que le billet précédent reproduit le manifeste lui-même. Dans ce billet, il s'agit d'une des causes de la disparition des grands singes, donc la branche de la famille qui est la nôtre1, à savoir les maladies. Tout d'abord, le virus Ebola et les chimpanzés:

«Les chimpanzés du Parc national de Taï ont aussi été atteints par le virus Ebola. En octobre 1992, huit chimpanzés sont morts en moins de deux semaines alors quils avaient été vus peu avant en parfaite santé. Deux ans plus tard, la maladie a fait sa réapparition au même endroit. Douze chimpanzés ont péri en trois semaines. Une autopsie fut pratiquée sur deux corps. Les échantillons prélevés sur un jeune révélèrent la cause du décès: une souche jusqualors inconnue du virus Ebola (Formenty et al. 1999)

Comment donc les chimpanzés ont-ils été contaminés ? Des observations minutieuses nous ont permis de découvrir que les risques dêtre infecté par le virus augmentaient avec la consommation de viande de Colobe rouge, un singe frugivore qui est lune des proies favorites des chimpanzés. Lapparition soudaine du virus au début des années 1990 avait été corrélée avec un changement climatique affectant le régime des pluies. En Côte d'Ivoire, les «années Ebola» ont été mises en rapport avec un déficit des précipitations en juillet et août. Cette saison sèche avait été suivie de pluies plus importantes en septembre et en octobre. De telles différences pourraient avoir facilité la propagation des agents pathogènes dune espèce à lautre et entre individus de toutes espèces confondues --chauves-souris frugivores rongeurs, primates- due à une concentration de leurs contacts, sur les mêmes sources de nourriture (Boesch et Boesch-Achermann 2000). »

Avant ce passage, le lecteur ou la lectrice ont pu apprendre que les gorilles meurent aussi des virus d'Ebola, au point de mettre en danger certaines population. C'est donc le cas aussi des chimpanzés. Il faut préciser que cette menace s'ajoute à la déforestation et au braconnage. Ce que je trouve intéressant c'est que d'une part, on se ressemble tellement entre chimpanzés et humains, qu'on se contamine de manière similaire, en mangeant des autres singes. Mais aussi que l'apparition plus fréquentes de ces maladies et liée à des changements climatiques, pour partie conséquence de la déforestation.

Suit un paragraphe sur des études qui ont montré que les chimpanzés sont des réservoirs de maladies tout à fait intéressantes et dangereuses pour l'humain, forcément. Puis, un dernier paragraphe qui a retenu mon attention, je pense que vous allez comprendre pourquoi:

«Mais le danger de contamination fonctionne dans les deux sens: si les humains peuvent attraper des maladies de chimpanzés, de la même façon les chimpanzés peuvent attraper des maladies dhommes. Les touristes, les scientifiques et les braconniers peuvent transmettre des maladies en sapprochant des grands singes. Nous avons malheureusement observé des cas de cet ordre à Taï où, par notre simple présence, des virus de la grippe ont été accidentellement introduits dans la forêt. Par trois fois les chimpanzés les ont attrapés et, suite à une surinfection, ont développé des pneumonies mortelles. Afin de protéger les chimpanzés, nous portons désormais à leur approche des masques chirurgicaux. Les responsables de projets de recherche ou dactivités décotourisme devraient exiger le port dune telle protection de la bouche et du nez afin de diminuer drastiquement le risque de transmission de maladies humaines aux grands singes. »

Et bien oui, les zoonoses des uns sont aussi les zoonoses des autres. Une preuve sympathique qu'on fait bien partie du vivant. Mais en plus, voilà qu'il est question de masque. Vu le contexte qui est le nôtre actuellement, avec l'extrême droite qui confond prendre soin collectivement de nous tous avec des prétextes fallacieux de liberté d'expression ou des fantasmes de manque d'oxygène2, l'idée de mettre un masque en forêt, en Côte d'Ivoire, pour observer des chimpanzés, afin d'éviter de leur transmettre nos maladies, dans un texte qui a déjà dix ans, permet de prendre passablement de recul.


  1. Rappelons que parmi les grands singes, les chimpanzés sont génétiquement plus proches de nous que des gorilles. ↩︎

  2. Je ne parle bien sûr pas des personnes qui ont de réels problèmes respiratoires, mais le plus souvent ce ne sont pas elles qui se plaignent le plus. ↩︎