From c1bf1fd664dd18348e5ac50fc66f00102f0c5ef9 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: iGor milhit Date: Sat, 21 Mar 2020 08:57:23 +0100 Subject: [PATCH] =?UTF-8?q?traces:=20=C3=A9critHebdo,=20les=20cerisiers?= MIME-Version: 1.0 Content-Type: text/plain; charset=UTF-8 Content-Transfer-Encoding: 8bit * Adds a new kind for écritHebdo * Adds the first écritHebdo post, les cerisiers fleurissent Co-Authored-by: Igor Milhit --- archetypes/ecritHebdo.md | 9 +++ content/blog/les-cerisiers-fleurissent.md | 97 +++++++++++++++++++++++ 2 files changed, 106 insertions(+) create mode 100644 archetypes/ecritHebdo.md create mode 100644 content/blog/les-cerisiers-fleurissent.md diff --git a/archetypes/ecritHebdo.md b/archetypes/ecritHebdo.md new file mode 100644 index 0000000..8d5f8f7 --- /dev/null +++ b/archetypes/ecritHebdo.md @@ -0,0 +1,9 @@ +--- +title: "{{ replace .Name "-" " " }}" +date: {{ .Date }} +draft: true +categories: ["traces"] +tags: ["#EcritHebdo", "écriture"] +slug: {{ .Name }} +--- + diff --git a/content/blog/les-cerisiers-fleurissent.md b/content/blog/les-cerisiers-fleurissent.md new file mode 100644 index 0000000..dcf057d --- /dev/null +++ b/content/blog/les-cerisiers-fleurissent.md @@ -0,0 +1,97 @@ +--- +title: "Les cerisiers fleurissent" +date: 2020-03-18T12:38:18+01:00 +publishDate: 2020-03-21 +draft: false +categories: ["traces"] +tags: ["#EcritHebdo", "écriture", "enfermement", "sortie"] +slug: les-cerisiers-fleurissent +--- + +« Ah tiens, les cerisiers fleurissent. » + +Il veut sortir. Aller se coucher dans l'herbe, sentir sa peau chauffer au +soleil de mai. Enfin, d'avril. Non, de mars. Peu importe. Il veut aussi jouer +avec des enfants, les prendre dans les bras, rigoler, se casser la gueule en +trébuchant, jouer à l'élastique, oui, même à l'élastique, ça serait +fantastique, et puis faire une sieste auprès du grand-père, sur l'alpage, +à l'ombre des mélèzes qui ont survécu à la grippe espagnole qui venait de +Chine, si ça se trouve c'était encore à cause des Américains, bref, retrouver +le monde d'avant, où l'avenir était infini, une sorte de maintenant éternel, +juste avec le rythme lent des saisons, de son âge qui bouge, savoir chaque jour +faire des trucs en plus, retrouver ce paradis duquel on se fait jeter avant +même d'avoir compris que c'était le paradis, perdu, parce qu'il ne peut y avoir +de paradis qui ne soit d'abord perdu. + +Il veut sortir. Marcher dans la ville, se fondre dans la foule, s'y sentir seul +dans sa bulle musicale, danser mentalement grâce à la marche qui s'accélère ou +ralentit selon le rythme de la musique, visiter les murs comme on visite un +musées, avec ses déclinaisons de tags rageurs ou poétiques, rageurs et +poétiques, rageurs tout court, respiration indispensable. Ou pédaler, slalomer +entre les cubes d'acier et de plastique presque immobiles, se griser de vitesse +quand c'est possible, et s'essouffler dans les montées, pouvoir se transporter +tout seul, plus loin, jusqu'à sortir de la ville, retrouver un horizon plus +large, gonfler ses poumons des immenses nuages où se peignent les couchers de +soleil, où s'annoncent les orages qui réjouissent l'âme et le corps, enfin, +l'âme ou le corps, deux mots pour la même chose. Bref, il veut sortir. + +« Ah tiens, les cerisiers fleurissent. » + +Il a déjà connu une sorte d'enfermement, à l'époque ça avait duré plusieurs +années et c'était tombé sur lui. Enfin, il n'en sait rien, ça avait bien dû +tomber sur quelques autres aussi, lorsque tu penses être seul, +vraisemblablement tu es en réalité plusieurs millions, fourmilière humaine +oblige. Et donc, c'était tombé sur lui. Une manière d'éviter d'écrire qu'il se +l'était imposé, parce que d'un côté personne ne l'avait forcé, pas même lui +justement. Peut-être aurait-il pu faire autrement, mais ça n'aurait pas été +possible, il veut sortir de cette aporie, lorsqu'il n'y a pas de solution, il +n'y en a pas. S'enferrer à chercher des causes premières et des motivations, +c'est être réduit à ratiociner, vain blabla. C'était tombé sur lui. Il aurait +bien voulu sortir, se sortir de là, mais il ne savait pas comment faire, si +c'était permis, pourquoi ça ne l'aurait pas été, alors il avait simplement +pillé la bibliothèque publique, cherché à comprendre le monde, parce que +celui-ci semblait s'être trompé d'époque, obstiné à vivre comme dans les heures +les plus sombres du 19e siècle européen, alors qu'on s'éclatait en +plein anthropocène post guerre froide. La confusion était totale. Et écouter de +la musique, en buvant du café, en fumant des joints, en boucle : livres, +musique, café, joints. Pendant une petite décennie. + +Et il était sorti. + +« Ah tiens, les cerisiers fleurissent. » + +Ça avait été le retrouvailles avec la lumière, le souffle, la distance, +l'horizon ouvert, et les nuages, les nuages parce qu'ils donnent la mesure de +l'immensité du ciel, un contraste frappant avec les détail du faux crépis du +mur de sa chambre, des fleurs, des odeurs, de la poussière, la pluie, l'orage, +la joie du monde, pouvoir à nouveau fatiguer ses muscles, redonner de l'espace +aux poumons, passer de mort vivant à vivant vivant. C'était inespéré. Un moment +à nul autre pareil. Parvenir au sommet de la montagne. + +Ce sommet est une illusion d'optique, l'épaule de l'arrête, le chemin pierreux +monte encore vers l'épaule suivante, et d'épaule en épaule il finit par ne plus +bien savoir si ça monte encore, si l'espace ne s'est pas mué, +imperceptiblement, en une boîte qui se resserre, tous ces si s'évanouissent, +l'évidence ne peut plus être ignorée, une nouvelle sortie devient nécessaire, +à trouver, à creuser, à déchirer, à dessiner, à esquisser, à chaque fois il +s'agit d'être un peu plus malin, de faire en se laissant faire… Il se sent +à court d'imagination. S'interroge sur la pertinence des routines +d'assouplissement. Il veut sortir. + +« Ah tiens, les cerisiers fleurissent. » + +Se faire fleur de cerisier, de prunier, d'amandier, le particulier est un +détail, charmant, essentiel même, mais un détail. Se faire fleur. Et sortir, +sans même l'avoir voulu. Parce que. Parce que quoi ? La mère et le grand-père +partent d'un grand éclat de rire. Il va devoir faire avec, se contenter de +cette réponse, jongler avec les problèmes sans solution, les laisser se briser +au sol, comme de petites fioles libérant des parfums dont il se souvient bien, +mais ne sait, comme toujours, nommer. + +---- + +L'idée de ce texte vient de ce message : +https://imaginair.es/@Ezelty/103843501519501506. \ +Des textes d'autres personnes peuvent être cherché au bout des liens suivants, +parmi d'autres : https://imaginair.es/tags/EcritHebdo, +https://pouet.it/tags/EcritHebdo.